Les sens de l’efficacité martiale

A l’instar de la fameuse formule bien connue du Maître Kano, « le minimum d’énergie pour le maximum d’efficacité » ou encore « le meilleur emploi de l’énergie », nous pensons que l’efficacité peut être entendue comme inversement proportionnelle à la force physique développée. Grosso modo, l’efficacité s’obtient par l’art de prendre en compte autant le non-travail simultanément au travail physique à fournir. Autrement dit, poussé à l’extrême, l’efficacité oppose au faire le non-faire.

Plus justement, elle est une combinaison de ces deux « postures ». On le note bien quand on observe un débutant et un pratiquant confirmé : l’effort développer pour obtenir un résultat, la chute d’uke, par exemple, est souvent plus intense pour le premier que pour le second. Avec cela, les gestes inutiles et même antagonistes au mouvement recherché accompagnent plus fréquemment le débutant que le pratiquant confirmé. Bref, il n’est pas nécessaire de trop en faire mais de faire ce qu’il faut dans une situation donnée pour obtenir l’efficacité. Et bien c’est là que se situe l’efficacité technique. C’est là aussi que tout l’art de l’utilisation des principes réside, au-delà de la forme technique répertoriée. C’est dans ce jeu dialectique entre une capacité à faire et son réinvestissement parcimonieux dans une situation que naît l’efficacité. Et celle-ci ne peut se passer de l’apprentissage de la technique qui en est le vecteur (la forme) comme le produit (le résultat). Un seul déplacement, un seul placement, bien-sûr nourrit des principes de l’art, peut suffire à faire choir son adversaire ou à le contrôler. On peut même dire que l’adversaire nous apporte les armes pour cela car on utilise son travail, sa force, son déplacement, sa technique... Cette dialectique permet précisément, dépassant la forme technique, néanmoins nécessaire, d’en créer de nouvelles, comme les grands maîtres souvent nous le montrent, encore plus d’efficacité.

Cette efficacité peut se suffire à elle-même c’est-à-dire que par la sensation et le résultat nous pouvons la mesurer comme quand dans le combat nous pouvons expérimenter le « ippon sans effort ». Mais la voie est longue pour l’obtenir et la conserver pour l’inscrire dans sa pratique. L’analyse du geste dans le mouvement est nécessaire tant par le corps que par l’esprit. Un pratiquant peut être fort et gagner de nombreux combats. Mais il ne sera pas pour autant nécessairement efficace du point de vue de l’art martial considéré. En effet, pouvons-nous parler d’efficacité martiale quand celui-ci fait chuter son adversaire par sa force physique ou remporte un combat par le jeu tactique des pénalités ou de la conservation d’un avantage ou même quand sa pratique est dangereuse pour l’intégrité corporelle de son adversaire ? Autrement dit l’efficacité martiale se suffit-elle du résultat quelques soient les moyens ? Nous ne le pensons pas, nous pensons même que c’est alors le début de la fin de de la recherche de l’efficacité. La fin précisément de l’art et du style car alors on se suffit d’une technique « qui marche » quelques soient les principes mis en œuvre. Est-ce du judo, de la lutte, ou encore autre chose de moins « noble » ? Et nous pensons aux principes tant physiques qu’aux principes éthiques car l’efficacité suppose la réunion du mouvement et de la décision au moment opportun. Cette décision procédant d’une capacité à évaluer ses choix dans l’action donc à leur conférer telle ou telle valeurs. Nous pensons que c’est dans et par ces principes que la pratique martiale puise son efficacité. Et toujours il convient d’y revenir pour pas en perdre l’es-sens. Nous parlons, ici des sens de l’efficacité car si techniquement cette efficacité fonde la performance de la pratique, la pratique engage autant la compréhension qu’en on a, que la manière de pratiquer et que la motivation à pratiquer, notamment pour l’améliorer.